ENTRETIEN AVEC
Catherine Roux
« Ce paysage est mon quotidien depuis toujours, j’aime tout ici »

Ostréicultrice au Cap-Ferret depuis 25 ans, Catherine Roux a été la première au Cap à avoir l’idée d’associer vente et dégustation. Depuis, dans sa cabane située dans la conche du Mimbeau, cette femme de caractère n’a de cesse de transmettre sa passion de l’huître du Bassin d’Arcachon.
C’est dans le quartier des pêcheurs, non loin du phare du Cap-Ferret que Catherine Roux et sa cabane de dégustation d’huîtres attirent touristes et gastronomes depuis 1998. Sur sa terrasse ombragée, les eaux du Bassin en contrebas et la dune du Pilat pour horizon, l’ostréicultrice est dans son élément : « je ne me lasserai jamais du Bassin d’Arcachon, ce paysage est mon quotidien depuis toujours, j’aime tout ici : le mouvement des marées, les lumières, les couleurs, les odeurs ». Fille et arrière-petite-fille d’ostréiculteurs d’Andernos-les-Bains, elle entretient avec le territoire de son enfance une relation presque fusionnelle : « j’ai été pensionnaire au lycée à Bordeaux ; là j’ai découvert que la ville et moi faisions deux, ce n’était pas exactement ce que nous pouvions appeler une idylle parfaite. Mes envies restaient simples : être à l’air libre, sur l’eau ou dans la forêt, voire sur mon vélo, ou bien encore sur le sable pour pêcher des coquillages, comme les couteaux », se souvient Catherine Roux.

QUELQUES TEMPÊTES SURMONTÉES
Elle échoue au concours de l’école d’infirmière et réalise soudainement que sa carrière est en fait toute tracée : elle sera la quatrième génération de Roux à chausser bottes et gants pour élever des l’huître. « Mon signe astrologique est poisson, cela a probablement dû jouer, n’est-ce pas ? », s’amuse-t-elle.
Elle n’oubliera jamais ses débuts dans le métier, en 1984. C’est l’année d’Hortense, la tempête qui ravage les parcs. Avec ses parents, elle passe plusieurs jours à ramasser les huîtres ensevelies dans le sable, à la fourche, à la main, pour les remettre dans les casiers. « Nous avons fait le maximum pour en sauver le plus grand nombre possible », raconte l’ostréicultrice. Un challenge particulièrement physique qui la conforte dans son choix : « j’avais besoin de ce type d’expérience, j’ai aimé ces moments exigeants où l’on flirte avec ses propres limites, quitte à se surpasser ; j’ai eu lors de cet épisode la certitude que j’étais faite pour ce métier ». Depuis elle a connu d’autres tempêtes et bien d’autres aléas : par exemple la forte mortalité du naissain dans les années 2010 ou encore les fermetures temporaires à la vente liées à la présence de l’algue dinophysis. « Quand nous avons l’interdiction de vendre notre production dans ce genre de contexte, c’est terrible », souffle Catherine Roux. Elle affronte ces coups du sort sans jamais baisser les bras. « Ma devise a toujours été : j’avance ! Et quoi qu’il advienne, je continue ».
En 1993 Catherine Roux
décide d’installer son exploitation au Cap-Ferret avec son frère, puis finalement seule trois ans plus tard. Au Cap-Ferret, ce n’est pas la présence de l’océan qui l’attire, mais bel et bien le Bassin, toujours renouvelé ; ce décor dont elle pourrait parler pendant des heures sans jamais se lasser. « Pour nous l’océan est synonyme de naufrages. Mes parents et grands-parents m’ont toujours inculqué la crainte de l’océan ». Parfois pourtant, elle brave ses peurs d’enfants et les recommandations familiales pour s’accorder un instant magique : une baignade derrière les dunes, sur les plages océanes. Un sentiment de liberté.
UNE IDÉE LUMINEUSE
Les trajets quotidiens entre Andernos-les-Bains où elle réside et sa cabane du Cap-Ferret sont des moments privilégiés, des « sas durant lesquels je peux réfléchir ». Un jour l’idée de mêler vente et dégustation germe dans son esprit : « j’avais des amis bordelais qui venaient me voir dans ma cabane. Ils trouvaient ce lieu enchanteur, je leur faisais toujours goûter quelques huîtres. J’ai acheté deux-trois chaises en plastique, une table et j’ai lancé la dégustation », retrace Catherine Roux. Depuis, le concept a fait son chemin et de nombreux autres ostréiculteurs l’ont suivi sur cette voie.
Bien qu’elle aime recevoir des convives dans sa cabane, Catherine préfère surtout cultiver l’huître. Elle adore les élever, les pieds sur le sable, par tous les temps. « L’huître est un produit vivant qui se travaille depuis l’éclosion du naissain jusqu’à la vente du produit parfait ». Un travail rude et méticuleux qu’elle mène avec toujours la même flamme. Que ce soit dans l’eau, chaussée de ses bottes, pour entretenir et nettoyer les parcs ou à terre pour les trier. Là encore, elle abat le travail avec fierté. Celle de faire un métier-passion qui lui demande une grande énergie. Et lorsqu’il s’agit de savourer ses trésors ? « C’est un plaisir dont je ne me prive pas ; j’en grappille toute la journée sur les parcs de l’exploitation ; je les déguste, les compare, les surveille attentivement : un petit peu comme le ferait un viticulteur avec un vin en cours de vinification », sourit-elle.
« J’ai eu la certitude que j’étais faite pour ce métier »
UN ENVIRONNEMENT À PRÉSERVER
Quand elle regarde l’avenir, Catherine Roux a parfois des inquiétudes : elle sait que rien n’est jamais acquis. Elle se montre réservée lorsqu’elle aborde l’évolution urbaine des communes situées autour du Bassin d’Arcachon. « Quand j’étais enfant, Andernos ne comptait que 4500 habitants, aujourd’hui c’est environ 12 000 habitants à l’année, et davantage encore l’été ». Un mal pour un bien pour cette amoureuse du calme. « Commercialement, je dois reconnaître que c’est un vrai plus pour notre exploitation, mais j’avoue trouver ce changement brutal », soupire-t-elle. Elle s’interroge aussi parfois sur les perturbations écologiques que subit le Bassin. « C’est là que les huîtres se reproduisent ; or mon activité d’ostréicultrice est régie par le cycle des naissances. Elles sont conditionnées par la qualité des eaux du Bassin. Quand je réfléchis à tout cela, je me demande parfois de quoi sera fait l’avenir ». Elle se veut cependant optimiste, confiante et ne s’attarde pas sur ses doutes. Elle préfère profiter de ce Bassin d’Arcachon, qui lui offre un lieu magnifique où elle a construit sa vie.
LE BON TEMPO
Catherine Roux vient de célébrer ses 55 ans. « L’âge de la retraite maritime », comme elle le souligne avec une légère pointe d’ironie. Elle n’est pas encore prête à passer le relais à Rémi, son fils, qui travaille depuis peu avec elle. Certes elle s’accorde enfin un petit peu plus de congés. « Quand je m’absente quelques jours, je suis toujours saisie en rentrant dans ma cabane par cette odeur d’iode et de marée. C’est une odeur dont je ne peux pas me passer ». Avec son compagnon, elle s’est mise à la marche, une activité physique et de plein air qui la ravit pleinement. « Nous avons commencé le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. En marchant une semaine par an, comme nous le faisons actuellement, nous avons calculé qu’il nous faudrait plus de sept ans pour le faire en entier », précise-t-elle. Un tempo qui lui convient. Elle qui a toujours vécu au rythme du cycle des huîtres et des marées depuis près de 30 ans, quasiment 365 jours par an, elle sait combien le temps est précieux.
NOUS REMERCIONS RESOO AUTEUR DE CE REPORTAGE / © Photos ULRICH CHOFFLET
ENTRETIEN AVEC
Catherine Roux
« Ce paysage est mon quotidien depuis toujours, j’aime tout ici »

Ostréicultrice au Cap-Ferret depuis 25 ans, Catherine Roux a été la première au Cap à avoir l’idée d’associer vente et dégustation. Depuis, dans sa cabane située dans la conche du Mimbeau, cette femme de caractère n’a de cesse de transmettre sa passion de l’huître du Bassin d’Arcachon.
C’est dans le quartier des pêcheurs, non loin du phare du Cap-Ferret que Catherine Roux et sa cabane de dégustation d’huîtres attirent touristes et gastronomes depuis 1998. Sur sa terrasse ombragée, les eaux du Bassin en contrebas et la dune du Pilat pour horizon, l’ostréicultrice est dans son élément : « je ne me lasserai jamais du Bassin d’Arcachon, ce paysage est mon quotidien depuis toujours, j’aime tout ici : le mouvement des marées, les lumières, les couleurs, les odeurs ». Fille et arrière-petite-fille d’ostréiculteurs d’Andernos-les-Bains, elle entretient avec le territoire de son enfance une relation presque fusionnelle : « j’ai été pensionnaire au lycée à Bordeaux ; là j’ai découvert que la ville et moi faisions deux, ce n’était pas exactement ce que nous pouvions appeler une idylle parfaite. Mes envies restaient simples : être à l’air libre, sur l’eau ou dans la forêt, voire sur mon vélo, ou bien encore sur le sable pour pêcher des coquillages, comme les couteaux », se souvient Catherine Roux.

QUELQUES TEMPÊTES SURMONTÉES
Elle échoue au concours de l’école d’infirmière et réalise soudainement que sa carrière est en fait toute tracée : elle sera la quatrième génération de Roux à chausser bottes et gants pour élever des l’huître. « Mon signe astrologique est poisson, cela a probablement dû jouer, n’est-ce pas ? », s’amuse-t-elle.
Elle n’oubliera jamais ses débuts dans le métier, en 1984. C’est l’année d’Hortense, la tempête qui ravage les parcs. Avec ses parents, elle passe plusieurs jours à ramasser les huîtres ensevelies dans le sable, à la fourche, à la main, pour les remettre dans les casiers. « Nous avons fait le maximum pour en sauver le plus grand nombre possible », raconte l’ostréicultrice. Un challenge particulièrement physique qui la conforte dans son choix : « j’avais besoin de ce type d’expérience, j’ai aimé ces moments exigeants où l’on flirte avec ses propres limites, quitte à se surpasser ; j’ai eu lors de cet épisode la certitude que j’étais faite pour ce métier ». Depuis elle a connu d’autres tempêtes et bien d’autres aléas : par exemple la forte mortalité du naissain dans les années 2010 ou encore les fermetures temporaires à la vente liées à la présence de l’algue dinophysis. « Quand nous avons l’interdiction de vendre notre production dans ce genre de contexte, c’est terrible », souffle Catherine Roux. Elle affronte ces coups du sort sans jamais baisser les bras. « Ma devise a toujours été : j’avance ! Et quoi qu’il advienne, je continue ».
En 1993, elle décide d’installer son exploitation au Cap-Ferret avec son frère, puis finalement seule trois ans plus tard. Au Cap-Ferret, ce n’est pas la présence de l’océan qui l’attire, mais bel et bien le Bassin, toujours renouvelé ; ce décor dont elle pourrait parler pendant des heures sans jamais se lasser. « Pour nous l’océan est synonyme de naufrages. Mes parents et grands-parents m’ont toujours inculqué la crainte de l’océan ». Parfois pourtant, elle brave ses peurs d’enfants et les recommandations familiales pour s’accorder un instant magique : une baignade derrière les dunes, sur les plages océanes. Un sentiment de liberté.
UNE IDÉE LUMINEUSE
Les trajets quotidiens entre Andernos-les-Bains où elle réside et sa cabane du Cap-Ferret sont des moments privilégiés, des « sas durant lesquels je peux réfléchir ». Un jour l’idée de mêler vente et dégustation germe dans son esprit : « j’avais des amis bordelais qui venaient me voir dans ma cabane. Ils trouvaient ce lieu enchanteur, je leur faisais toujours goûter quelques huîtres. J’ai acheté deux-trois chaises en plastique, une table et j’ai lancé la dégustation », retrace Catherine Roux. Depuis, le concept a fait son chemin et de nombreux autres ostréiculteurs l’ont suivi sur cette voie.
Bien qu’elle aime recevoir des convives dans sa cabane, Catherine préfère surtout cultiver l’huître. Elle adore les élever, les pieds sur le sable, par tous les temps. « L’huître est un produit vivant qui se travaille depuis l’éclosion du naissain jusqu’à la vente du produit parfait ». Un travail rude et méticuleux qu’elle mène avec toujours la même flamme. Que ce soit dans l’eau, chaussée de ses bottes, pour entretenir et nettoyer les parcs ou à terre pour les trier. Là encore, elle abat le travail avec fierté. Celle de faire un métier-passion qui lui demande une grande énergie. Et lorsqu’il s’agit de savourer ses trésors ? « C’est un plaisir dont je ne me prive pas ; j’en grappille toute la journée sur les parcs de l’exploitation ; je les déguste, les compare, les surveille attentivement : un petit peu comme le ferait un viticulteur avec un vin en cours de vinification », sourit-elle.
« J’ai eu la certitude que j’étais faite pour ce métier »
UN ENVIRONNEMENT À PRÉSERVER
Quand elle regarde l’avenir, Catherine Roux a parfois des inquiétudes : elle sait que rien n’est jamais acquis. Elle se montre réservée lorsqu’elle aborde l’évolution urbaine des communes situées autour du Bassin d’Arcachon. « Quand j’étais enfant, Andernos ne comptait que 4500 habitants, aujourd’hui c’est environ 12 000 habitants à l’année, et davantage encore l’été ». Un mal pour un bien pour cette amoureuse du calme. « Commercialement, je dois reconnaître que c’est un vrai plus pour notre exploitation, mais j’avoue trouver ce changement brutal », soupire-t-elle. Elle s’interroge aussi parfois sur les perturbations écologiques que subit le Bassin. « C’est là que les huîtres se reproduisent ; or mon activité d’ostréicultrice est régie par le cycle des naissances. Elles sont conditionnées par la qualité des eaux du Bassin. Quand je réfléchis à tout cela, je me demande parfois de quoi sera fait l’avenir ». Elle se veut cependant optimiste, confiante et ne s’attarde pas sur ses doutes. Elle préfère profiter de ce Bassin d’Arcachon, qui lui offre un lieu magnifique où elle a construit sa vie.
LE BON TEMPO
Catherine Roux vient de célébrer ses 55 ans. « L’âge de la retraite maritime », comme elle le souligne avec une légère pointe d’ironie. Elle n’est pas encore prête à passer le relais à Rémi, son fils, qui travaille depuis peu avec elle. Certes elle s’accorde enfin un petit peu plus de congés. « Quand je m’absente quelques jours, je suis toujours saisie en rentrant dans ma cabane par cette odeur d’iode et de marée. C’est une odeur dont je ne peux pas me passer ». Avec son compagnon, elle s’est mise à la marche, une activité physique et de plein air qui la ravit pleinement. « Nous avons commencé le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. En marchant une semaine par an, comme nous le faisons actuellement, nous avons calculé qu’il nous faudrait plus de sept ans pour le faire en entier », précise-t-elle. Un tempo qui lui convient. Elle qui a toujours vécu au rythme du cycle des huîtres et des marées depuis près de 30 ans, quasiment 365 jours par an, elle sait combien le temps est précieux.